Certains verront dans ce titre un oxymore. Les traditions renvoient en effet aux choses figées et immuables, alors que la créativité suggère un mouvement changeant et inventif. L’ancien contre le nouveau, le vieux contre le jeune. Mais pourquoi les opposer alors que la vie consiste justement à les conjuguer sans cesse ? Les innovateurs n’ont-ils pas plein d’expériences en tête, et les vieillards des rêves d’enfant ? C’est d’ailleurs pour cela que j’en suis venu, sur le tard, à travailler la viande…

Réinventer la tradition

Sécher et fumer la viande est l’une des plus vieilles traditions humaines. C’était, jusqu’à l’arrivée des frigo, le seul moyen de conservation. Il n’y a pas très longtemps encore, il y avait toujours dans les conduits de cheminées de nos aïeux un morceau de viande qui attendait patiemment de rejoindre les haricots qui mijotaient au coin du feu. Voilà la tradition. 

Qu’en reste-t-il ? Des pratiques prétendument « traditionnelles » que chez Magrada nous avons dû « décaper » pour retrouver les recettes simples et saines des anciens. Nous salons la viande au sel marin naturel, non raffiné. Nous ignorons les produits destinés à améliorer le goût, la couleur ou la conservation. Donc rien. Pas de nitrite, pas d’additif, pas de sucre, pas de conservateur, comme avant. Du sel, c’est tout, et des épices bio, comme au temps où il n’y avait pas encore de produits phytosanitaires.

Innover dans les procédés 

Il y a mille façons de sécher ou de fumer les viandes, ce qui ouvre un formidable espace de créativité. Or, regardez les étiquettes,  vous verrez que dans leur grande majorité elles en disent bien peu sur la fabrication et la composition du produit. On y lit souvent « épices et plantes aromatiques », et c’est à vous de découvrir à la dégustation qu’il y a surtout du poivre. Chez Magrada, nous voulons faire bouger ces lignes en offrant au consommateur plus de diversité et de caractère (la gasconne le mérite bien) et plus de précisions sur la fabrication (vous le méritez bien). 

Ainsi, après beaucoup de temps consacré à la recherche, nous maintenons les viandes le plus longtemps possible dans la chaîne du froid (<5°C) pour bien maîtriser la première étape de séchage et réduire les risques sanitaires. Nous appliquons les épices en deux temps, en effectuant à chaque fois un lent massage de la viande. Nous réalisons un pressage des pièces avant le deuxième temps de séchage pour garantir un bonne répartition de l’humidité et éviter le croutage… 

Innover dans les aromates

Les aromates, leur choix, leur combinaison, leur dosage, sont aussi une source inépuisable d’inventivité. Nous souhaitions travailler exclusivement avec des épices locales. C’est hélas impossible. Nous avons donc recherché les épices ancrées depuis des siècles dans la tradition culinaire d’Occitanie. 

Le livre de comptes tenu méticuleusement par Barthélemy Bonis, marchand d’épices à Montauban au 14e siècle, nous dit que la cannelle, le gingembre, la muscade étaient, avec le poivre, les épices les plus consommées à cette époque. Il existe un safran d’Ariège qui se conjugue très bien au « safran indien » (le curcuma). En mariant paprika et piment doux, nous créons une recette pleine de chaleur, douce et puissante. Nous utilisons aussi l’Armagnac (venu du Gers en voisin et ami), pour aller chercher des arômes subtils et inimitables. Il a fallu plusieurs tests (pas désagréables) pour décider d’un massage lent des pièces de viande juste avant le premier séchage. Bien sûr nous réalisons des recettes plus classiques pour ceux qui aiment retrouver les parfums de thym, d’ail et de cumin. 

Nous cherchons, chercherons encore, et sommes preneurs de vos idées !